samedi 5 décembre 2009

PARLEMENT EUROPEEN

AU PARLEMENT EUROPÉEN
PATRICK LE HYARIC DÉPUTÉ AU PARLEMENT EUROPÉEN
Compte rendu de la session du Parlement européen à Strasbourg
2 décembre 2009 par Patrick Le Hyaric Député GUE

Le Parlement européen s’est réuni en session du 23 au 26 novembre dernier. En voici les éléments essentiels de ce qui s’est discuté.

Cette session de novembre aura démontré la volonté du Conseil de maintenir ses prérogatives dans le domaine des affaires intérieures. Tour à tour il a modifié la positon du Parlement sur les coupures d’accès internet, refusé de prendre compte des futurs pouvoir du Parlement sur le partage des données, et fait la sourde oreille aux appels contre les charters européens pour expulser les sans-papiers. Cette séance fut également l’occasion d’interpeller les Etats et la Commission sur le changement climatique, la faim dans le monde, de demander des engagements dans la lutte contre les violences faites aux femmes, ou des clarifications sur les enjeux posé par Google-Books.

Paquet Télécom : un paquet discuté et voté pour permettre l’application des lois « Hadopi » en Europe

Lundi 23 novembre, le Paquet Télécom revenait en discussion. Son adoption avait échoué lors de la dernière législature lorsque le Conseil a refusé l’amendement du Parlement demandant que toute coupure internet soit au préalable avalisée par un juge. Des pays comme la France étaient sur le point d’adopter des textes visant à restreindre l’accès internet par une décision administrative et non judiciaire (comme la loi Hadopi).

Le compromis négocié entre le Parlement et le Conseil reconnait que le droit d’accès à internet est une liberté fondamentale. On peut s’en féliciter. Mais l’atteinte à ce droit est autorisée si elle est « proportionnée ». C’est cette formule très vague qui nous inquiète. C’est pourquoi, mardi 24 novembre e groupe de la Gauche Unitaire Européenne – Gauche Verte Nordique a voté contre ce texte qui laisse aux juges de la Cour européenne évaluer cette « proportionnalité » et non la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Europol : le Conseil passe en force sur le partage des données personnelles

Europol est une agence européenne chargée de faciliter le partage d’informations dans la coopération policière. Un ensemble de législations sur la protection et le partage des données personnelles (nom, prénom, adresse, téléphone, profession, empreintes, coordonnées bancaires, trajets en avion…) via Europol devaient être voté mardi 24 novembre. Lors de la discussion lundi 23 novembre, mon amie du Front de Gauche, Marie-Christine Vergiat, s’est exprimée pour que « l’amélioration de la coopération policière ne se fasse pas au détriment des libertés fondamentales ». Puisqu’on n’a cessé de nous répéter qu’avec le traité de Lisbonne le Parlement disposait d’un droit de co-législateur nous avons pris les promoteurs de ce traité au mot et demandé que ces textes soient votés sous le traité de Lisbonne. Mais les mêmes qui souhaitait vivement une application du traité Lisbonne ont préféré accélérer le processus afin d’éviter que le Parlement ne mette le nez dans ces questions sensibles. Ainsi, malgré les rejets votés par le Parlement, les Ministres de l’intérieur de l’Union européenne se sont réunis juste avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne pour passer en force et adopter ces textes. Nous avons constaté qu’ils ont effectivement adopté le 30 novembre les propositions sur le partage des informations Europol entre Etats-membres et avec des pays partenaires. Cette réunion a également été l’occasion de renouveler un accord donnant aux Etats-Unis l’accès aux données bancaires des citoyens européens via l’accès aux registres de la société SWIFT. Cette société basée en Belgique gère les transmissions de quelques 8000 banques dans le monde.

Sommet de Copenhague : à deux semaines du sommet il est temps de faire face à nos responsabilités

Alors que le Sommet de Copenhague s’oriente vers des objectifs bien trop faibles face à l’urgence climatique, le Parlement européen a rappelé mardi 24 novembre en séance qu’il est vital que l’Europe soit bien plus ambitieuse dans ses objectifs de réduction d’émission et généreuse dans son aide au développement. Dans une déclaration écrite par mon ami Elie Hoarau député Communiste Réunionnais et signée par notre délégation du Front de Gauche nous allons plus loin en demandant également la création d’un organisme mondial de l’environnement. Elie Hoarau se rendra à Copenhague.

La droite européenne s’est cachée derrière le manque d’ambition des Etats-Unis et de la Chine pour refuser des dispositifs contraignants de limitation des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie européenne. Ceci doit nous inciter à rester vigilants. Se seront les pays pauvres qui paieront le plus lourd prix des conséquences du réchauffement climatique alors qu’ils en sont les moins responsables.

Charters européens : la Commission et le Conseil persistent et signent

Notre groupe avait obtenu un débat ce mardi 24 novembre sur l’inanité des charters européens d’expulsions. Pour la Commission et le Conseil, les renvois groupés de demandeurs d’asiles sont conforme au droit européen et international.

Bonne nouvelle, en contradiction avec elles, la Parlement européen qui chaque année honore une œuvre cinématographique a décidé d’attribuer le prix Lux à “Welcome”. Les représentants des deux institutions ont fait la sourde oreille aux propos du réalisateur de « Welcome », Philippe Loiret qui a fustigé la politique de la droite française. Ils ont fait preuve de la même indifférence à ceux des députés de gauche dont Marie-Christine Vergiat et Jacky Hénin qui a condamné « des expulsions collectives vers un pays en guerre ». Plus grave, ces renvois collectifs ont été approuvés lors du derniers Conseil européen qui souhaite qu’une agence européenne (l’agence Frontex) organise et finance ces vols.

Programme de Stockholm

Le programme de Stockholm est le programme des politiques de justice et affaires intérieures de l’Union européenne sur la période 2010-2014. Il a été développé lors du Conseil européen d’octobre, le même qui a demandé la mise en place de charters communs affrété par Frontex. Ce programme prévoit une harmonisation des contrats européens entre consommateurs et entreprises, la reconnaissance des actes civils (mariage, naissance…), une meilleure protection des droits des enfants, l’adhésion de l’Union européenne à la convention des droits de l’Homme… Mais a y regarder de plus prêt des coopérations judiciaires et policières via Frontex ou le partage de données personnelles est également au programme. Dans une résolution commune voté ce mercredi 25 novembre le Parlement demandait certes la création d’une Cour chargé de juger les affaires de cybercriminalité, l’établissement de normes minimales pour les détenus et un contrôle plus strict du partage de données. Mais sans remettre en cause l’accent sécuritaire du programme et la politique migratoire de l’Union européenne. Mon groupe refuse ces éléments du programme, comme l’a bien exprimé ma collègue allemande Cornelia Ernst: “Il est inacceptable que vingt ans après la chute du rideau de fer, l’Europe soit de plus en plus une forteresse”. Nous n’avons donc pas voté en faveur de cette résolution.



Violence faite aux femmes : des bases juridiques pour lutter contre la violence envers les femmes

A l’occasion de la 10e journée internationale des Nations Unies pour l’élimination de la violence contre les femmes, le Parlement européen a adopté jeudi une résolution demandant à ce que toute violence envers les femmes soit reconnue comme un délit pénal et sans circonstances atténuantes culturelles ou religieuse. Lors du débat mercredi 25 novembre, Ma collègue suédoise Eva-Britt Svensson, présidente de la commission des droits de la femme, a demandé l’instauration d’une année européenne pour lutter contre la violence à l’encontre des femmes.

Conférence de la FAO : des beaux discours aux actes, « entendons le cri de la famine et agissons en conséquence »

Lors du débat organisé ce mercredi 25 novembre par le Parlement sur le sommet mondial de la FAO (organisations des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture), j’ai rappelé le terrible compte à rebours de Jacques Diouf, son président pour alerter l’opinion publique sur l’urgence alimentaire. Il avait compté jusqu’à six puis conclu : « toutes les six secondes un enfant meurt de faim ». Il nous faut entendre ce cri de la famine et prendre des actes. La résolution du Parlement rappelle que la Politique Agricole Commune est « la pierre angulaire » de notre politique alimentaire. Mais a mon sens il faut changer la PAC et obtenir une nouvelle politique internationale pour faire respecter la souveraineté alimentaire des peuples : garantir la rémunération du travail paysans par des prix de base garanti ; respecter les engagements d’aides publiques au développement ; annuler la dette et nous attaquer à ses mécanismes de renouvellement ; stopper la spéculation sur les terres ; et enfin reconnaitre que l’alimentation est un droit qui ne peut relever des logiques commerciales de l’Organisation Mondiale du Commerce.

Google-books : « un quasi monopole mondial qui tente de s’approprier le patrimoine culturel, littéraire et journalistique mondial »

En numérisant massivement des œuvres aux Etats-Unis sans tenir compte des droits d’auteurs, Google a fait un coup de force légitimé après coup par les tribunaux américains. Cet accord avec les éditeurs et auteurs des pays anglo-saxons a été montré en exemple par la Commission européenne lors du débat organisé jeudi 26 novembre. D’après elle l’Europe ne peut rester à la traine de la course à la numérisation qui est lancée ce qui est vrai.

Seulement il très inquiétant que cela se fasse dans le cadre d’une marchandisation de la culture. Dans le débat que nous avons eu j’ai demandé à la Commission quelles étaient clairement les options envisagées et ce qu’elle entend par « marché transfrontalier des droits d’auteur » ou système de « licences collectives ». Voilà pourquoi j’ai demandé la réunion d’une conférence stratégique européenne associant, institutions européennes, Etats, syndicats d’auteurs et bibliothèques afin d’élaborer un vrai modèle public de numérisation. Ce projet adossé à Europeana, la bibliothèque numérique publique européenne, devrait coopérer avec d’autres systèmes équivalents dans le monde pour un réel partage de la culture dans le respect des droits d’auteurs et de la diversité culturelle.

————————-

NB: Le Conseil est l’institution européenne représentant les gouvernements des Etats membres de l’Union européenne. Sur chaque question il réunit les Ministres concerné (exemple: Conseil des ministres de l’intérieur, des ministres de l’agriculture, de l’économie etc…) qui prennent une décision à la majorité ou l’unanimité selon l’importance du sujet. Les Réunions du Conseil européen réunissent, elles, les chefs d’Etat européen qui donnent des orientations politiques, mises en place par la Commission puis votée par le Parlement européen.

Aucun commentaire: