vendredi 11 février 2011

COMPTE-RENDU DE SESSION DU PARLEMENT EUROPÉEN (2-3 février 2011)

COMPTE-RENDU DE SESSION DU PARLEMENT EUROPÉEN (2-3 février 2011)

Posted: 10 Feb 2011 09:20 AM PST LETTRE DU DEPUTE PATRICK LE HYARIC

Le Parlement s’est réuni les 2 et 3 février à Bruxelles. Il a ouvert sa session avec une séance solennelle sur la reconnaissance du génocide des Roms, puis s’est attaqué vertement à la politique extérieure de l’Union européenne envers ses voisins. J’ai dénoncé dans une interview à une chaine arabe cette politique qui fait abstraction des Droits de l’Homme pour privilégier l’ouverture des marchés. Enfin, les chefs d’Etat européens ont refusé de trop s’avancer sur le « Pacte de compétitivité » en préparation, qui imposera un plafonnement des salaires, un rehaussement de l’âge de départ à la retraite et un gel des budgets des Etats.

Voici les principaux éléments discutés et votés lors de cette session.

Tunisie : le Parlement critique la politique extérieure européenne

Mercredi 2 février, tous les groupes du Parlement ont dressé un constat accablant pour la diplomatie européenne, critiquant à la fois son incapacité à prévoir les événements dans les pays arabo-méditerranéens et l’absence de réaction européenne forte en soutien aux manifestants et à leur cause.

Face à cet échec, tous les groupes politiques ont demandé un réexamen total de la politique européenne de voisinage en Méditerranée. « Pourquoi, Mme Ashton, l’Europe a-t-elle réagi de façon tellement faible ? Pourquoi n’a-t-elle pas encore donné son soutien sans réserve aux masses qui sont dans la rue ? », s’est demandé l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt. Sa compatriote socialiste Véronique De Keyser a fustigé l’Europe qui « a soutenu des régimes corrompus au nom de la stabilité sans tenir compte de la justice sociale et de l’aspiration du peuple à la liberté. Cette erreur doit être réparée et c’est le moment aujourd’hui ». Mon ami espagnol, Willy Meyer, également membre du groupe de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique a rappelé : « Nous sommes plus préoccupés par la signature d’accords de libre-échange que des droits de l’homme « . Quant à mon amie du Front de Gauche Marie-Christine Vergiat, elle a insisté sur la « fermeté » dont doit faire preuve l’UE « sur toutes les violations des droit de l’Homme ». Dans son intervention, elle a rappelé le peu de voix qui s’élevaient dans l’hémicycle pour aborder la situation des Droits de l’Homme en Tunisie, « Il faut nous intéresser d’abord à l’avenir. Il faut éviter d’abord toute ingérence dans les affaires intérieures de ces pays. Ce n’est pas à nous, Européens, de dire comment les gouvernements de ces pays doivent être composés. Le peuple tunisien s’est libéré tout seul d’un régime dictatorial. Laissons-le s’exprimer et soutenons-le dans la voie vers la démocratie. »

La résolution commune sur la Tunisie enfin votée suit la même analyse : « Considérant l’incapacité de l’Union européenne à développer une véritable politique étrangère cohérente et efficace vis-à-vis de ses partenaires », le parlement demande à l’UE d’être plus réactive, de savoir anticiper et « d’accompagner systématiquement les clauses ‘droits de l’Homme’ des accords d’association d’un mécanisme de mise en œuvre effectif de la clause, considérant à ce titre la nécessaire révision de la politique de voisinage en cours « .

Ces fameuses clauses « Droits de l’Homme » dans les accords d’association ne sont malheureusement bien souvent là que pour la forme alors que la partie ouverture des marchés est quant à elle bien concrète.

Dans sa résolution, le Parlement européen appelle les autorités intérimaires tunisiennes à prendre acte de » l’importance d’une représentation complète de l’ensemble des forces politiques, sociales, citoyennes et démocratiques tunisiennes « . Elle serait » seule à même de doter un gouvernement intérimaire de la confiance de la population et de la légitimité indispensable à la préparation des élections et de la transition démocratique « . Les députés européens marquent aussi » l’importance de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections, dans des délais suffisants pour permettre à l’ensemble des forces d’opposition et à tous les médias de se structurer à l’échelle nationale, (d’avoir) une nouvelle Assemblée parlementaire chargée d’élaborer une Constitution démocratique respectant l’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif et l’indépendance du pouvoir judiciaire « . Ils » souhaitent que toutes les forces démocratiques s’engageant à respecter le pluralisme, la liberté de conscience et l’alternance démocratique puissent participer à cette élection « .

Sur le plan pratique, ils demandent » l’application immédiate par l’UE des décisions de blocage des biens mal acquis par la famille Ben Ali et ses proches « et saluent » l’annonce faite par les autorités de restituer à l’État les biens mobiliers et immobiliers du parti RCD « . Ils demandent aussi à Mme Ashton de constituer un groupe de travail » avec la participation du Parlement européen « pour accompagner le processus démocratique tunisien, notamment par l’envoi d’une « mission d’observation électorale « . Demande est également faite au Conseil et à la Commission de » se tenir prêts à réorienter les fonds – et, au besoin, à les augmenter – des différents instruments financiers de coopération UE-Tunisie « . La Commission et la Banque Européenne d’Investissement sont invitées à » envisager le soutien à la Tunisie par le biais de prêts à taux bonifiés » pour donner plus de vigueur à l’économie tunisienne et permettre la création d’emplois surtout pour les jeunes dans le cadre d’un « véritable contrat de développement « .

Au-delà du cas de la Tunisie, et du constat d’une » contagion « qui semble avoir affecté la région, à commencer par l’Égypte, les députés européens ont relevé que » l’espoir créé par la fin du régime autoritaire en Tunisie pour une démocratie stable peut contribuer à l’affirmation des mêmes aspirations pour d’autres peuples « . Ils ont ainsi » instamment « appelé l’UE à en » tirer les leçons (…) et à revoir sa politique de soutien à la démocratie et aux droits de l’Homme en mettant en place un mécanisme permettant la mise en œuvre de la clause de droits de l’Homme dans tous les accords « .

Mon interview pour Al-Hiwar TV: nous avons une dette historique envers nos voisins du Sud

Interviewé le jeudi 3 février par une chaine panarabe, Al-Hiwar TV (« dialogue » en français) sur la question de la démocratie et des droits de l’Homme dans les pays du pourtour méditerranéen, j’ai salué le changement de ton de l’UE mais il ne doit pas faire oublier les années de colonisation, de domination, de pillage permis par les autorités européennes et des gouvernements envers les dictatures de ces régions. Rappelons-nous que malgré les événements de Tunisie, l’UE continue de négocier un accord de coopération avec la Lybie, l’une des pires dictatures au monde et l’un des plus fidèles soutiens à Ben Ali.

La peur de l’islamisme ne saurait justifier notre appui à ces dictatures, d’autant plus que les manifestations en Tunisie ou en Egypte n’ont pas fait état de mots d’ordre lancés par les mouvements islamistes ou de slogans hostiles à l’Occident. Bien au contraire c’est un appel à l’aide que nous lancent ces peuples.

J’ai rappelé la dette historique que nous avons envers les pays du Sud de la méditerranée du fait de la colonisation passée mais aussi actuelle, lorsque des entreprises européennes viennent exploiter les travailleurs de ces pays et les mettre concurrence avec leurs homologues européens.

Enfin n’oublions pas la tolérance de nos gouvernements face aux souffrances, aux humiliations imposées par le gouvernement israélien à la population palestinienne. Tant que perdurera la colonisation, le non-respect des résolutions de l’ONU, le blocus de Gaza, les discriminations des arabes-israéliens, le sentiment d’humiliation que ressentent les populations arabes continuera de nous éloigner. Bien plus qu’une nouvelle politique de voisinage, c’est d’un vrai partenariat de co-développement humain dont nous avons besoin, soucieux des droits de l’Homme et de la démocratie, respectueux de l’autre.

Le Parlement demande la reconnaissance du génocide des Roms

Mercredi 2 février, le Parlement a tenu une séance solennelle pour la reconnaissance du génocide des Roms durant la seconde guerre mondiale. On estime le nombre de victime Roms dans cette période entre 220 000 et 500 000, ce crime de masse est pourtant méconnu du public. Ce qu’a rappelé le Président du Parlement, le polonais Jerzy Buzek lors de son allocution: » Un tiers des personnes détenues à Auschwitz étaient Roms, mais la plupart des Européens l’ignorent. Le génocide des Roms n’a été reconnu officiellement que par quelques États membres de l’UE. Le moment est venu de dire à tout le monde que les Roms ont vécu le traumatisme du génocide ».

Ma collègue et amie allemande de Die Linke Cornelia Ernst a ajouté: » C’est seulement quand l’Union européenne et ses États membres reconnaitront enfin le génocide des Roms comme crime contre l’humanité que le public changera d’attitude. Nous avons besoin de mesures contraignantes pour la lutte contre le racisme anti-Roms dans les États membres et la poursuite des actes de violence et de campagnes haineuses contre les Roms et les Sinti « .

Ces déclarations sont à mettre en parallèle avec la décision du Conseil de l’Europe qui vient de déclarer recevable une plainte d’une ONG basée en suisse (le Centre sur les droits au logement et les expulsions) contre les expulsions de Roms menées par le gouvernement français. Comme le soulignait Cornelia Ernst » nous devons lutter contre le mépris et le préjudice rencontrés par les Roms dans tous les secteurs de la société. Ensemble, nous devons empêcher l’histoire de se répéter « .

Résolution sur les déchets en Campanie, la droite couvre les pollueurs

L’adoption d’un texte le jeudi 3 février condamnant la gestion des déchets en Campanie par le gouvernement italien a une nouvelle fois été l’occasion pour la droite européenne de montrer sa solidarité avec le gouvernement de Silvio Berlusconi.

La résolution déposée par les groupes socialistes, libéraux, verts et la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique condamne vivement une gestion opaque des déchets (que l’on pense à Naples) ; l’absence de contrôle par les pouvoirs publics a renforcé la participation des organisations criminelles à la gestion des déchets ou leur déversement illégal.

Comme lors des débats sur la liberté de la presse en Italie, les députés italiens de droite ont fait pression sur leur groupe politique pour que celui-ci les soutienne contre cette résolution.

Non contents d’obtenir ce soutien, ils ont perturbé toutes les interventions soutenant cette résolution qui demande des sanctions financières et des actes immédiats pour enfin faire respecter les textes européens en matière d’environnement (les mesures italiennes sont mêmes allées jusqu’à transformer en décharges des sites protégés » Natura 2000 « ).

Malgré l’opposition de la droite européenne, la résolution a été adoptée par 374 voix, avec 208 voix contre et 38 abstentions.

Accord sur la banane : vers une concurrence renforcée des multinationales américaines sur le marché européen, au détriment des producteurs européens et africains.

Jeudi 3 février, le Parlement a validé les accords sur le commerce des bananes de l’OMC. Ces accords réduisent nettement (de 178 à 114 euros la tonne) les droits d’importation des bananes sud-américaines dans les pays européens. Cette baisse drastique porte un coup aux producteurs européens des territoires d’outre-mer mais aussi aux producteurs africains qui bénéficiaient d’un accès privilégié au marché européen. L’objectif de l’accord, signé il y a un an à Genève mais pas encore ratifié par le Parlement, était de relancer les négociations du cycle de Doha à l’OMC. On a donc poussé à des concessions pour relancer ces accords de libre-échange sans rien obtenir en contrepartie des pays d’Amérique latine, dont les producteurs de bananes sont essentiellement détenus par des multinationales américaines.

Mon collègue et ami Elie Hoarau, du Parti communiste réunionnais, a dénoncé ce » marchandage » : » On nous presse pour signer ces accords pour sauver les négociations de Doha, et pour forcer la signature de nouveaux accords de libre-échange avec divers pays d’Amérique latine. Si seulement l’on pouvait observer le même empressement des dirigeants à sauver les accords mondiaux pour la protection de l’environnement et l’harmonisation par le haut des droits du travail et des niveaux de vie, la réticence des peuples à la mondialisation serait moins vive « .


Préparation du Conseil européen : un Conseil consacré à l’énergie en attendant que le tandem Merkel-Sarkozy n’impose plus d’austérité

Le Conseil européen (réunissant les chefs d’Etat européens) du 4 février avait pour objectif de traiter de la question de l’énergie, sujet qui tient particulièrement à cœur aux pays de l’Est de l’Europe – très dépendants de la Russie pour leur approvisionnement – mais aussi aux pays des Balkans qui veulent profiter de leur situation de pays de transit avec les gazoducs en construction de la Caspienne.

C’est pourtant sur un tout autre sujet qu’on attendait ce Conseil : quelques jours auparavant, la presse économique a ébruité une nouvelle proposition franco-allemande d’un » Pacte de compétitivité « .

Les députés n’ont pas questionné la Commission et le Conseil sur ce pacte. C’est très regrettable, car les quelques fuites organisées laissent présager un pacte destructeur pour les salaires, dont l’ambition est de rendre contraignante la stratégie libérale de Lisbonne déjà à l’origine de vagues de privatisations de secteurs entiers de l’économie comme les transports, l’énergie, les télécommunications ou la poste.

Les discussions entre gouvernements au Conseil laissent apparaitre une négociation entre les tenants de la rigueur budgétaire, Allemagne en tête, et les pays en difficultés financières qui ont besoin d’un soutien financier de l’UE. En échange de ce soutien, le Pacte de compétitivité prévoit d’inscrire dans le marbre des constitutions nationales des limites aux déficits, il demande également un relèvement à 67 ans de l’âge de la retraite pays par pays ou la désindexation des salaires sur l’inflation.

Les chefs d’Etat européens ont préféré reporter les prises de positions officielles au mois de mars, et ont adopté des vœux pieux sur les énergies vertes, les interconnexions énergétiques, la solidarité énergétique et l’ouverture totale des marchés de l’énergie qui doit être effective d’ici 2014.

Le Conseil européen prévu le 9 mars précisera les orientations de ce » Pacte de compétitivité « , les Etats ne défendant pas tous la même vision. Vu le mouvement global de renforcement de l’austérité budgétaire et la pression sur les salaires, on peut s’attendre au pire.



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressant

Dommage que les citoyens n'aient que peu de connaissance sur le contenu du traité de Lisbonne.


Leur standing de vie dépend pourtant en grande partie de décisions de l'Union européenne.

S'informer c'est déjà participer à l'élaboration d'un monde meilleur!

AT

Anonyme a dit…

Le dernier bulletin communal informe sur le complexe sportif et sur la création de 140 nouvelles habitations.

La Commune vendra des terrains.

Ces terrains sont-ils en partie propriété du CPAS?

La Commune travaille avec un centre d'études.


Croyez-vous que le pouvoir communal ne devrait pas confier ces tâches au privé?

Les citoyens via taxes et subsides souffriront - à moins que les projets envisagés ne créent un supplément de richesse. Ce serait bien qu'une commune démontre sa capacité à gérer sans déficit.

Qu'en pensez-vous?

Merci de votre réflexion

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