mardi 22 décembre 2009

SESSION DU PARLEMENT EUROPEEN 14 – 17 DECEMBRE 2009

22 décembre 2009 par Patrick Le Hyaric

Le Parlement européen s’est réuni en session plénière à Strasbourg du 14 au 17 décembre dernier. Voici des éléments essentiels de ce qui s’y est discuté.

Ce mois de décembre marque la fin de la présidence suédoise, celle-ci s’était fixé comme objectif la reprise économique, l’emploi et le changement climatique : lors du sommet de Copenhague les chefs d’Etats européens ont échoué à faire un geste fort sur le climat en réduisant leurs émissions de 30% comparé au niveau de 1990. Le chômage européen va atteindre 10% en 2010. La reprise économique tarde. En tous cas ni les ouvriers, employés, cadres, n’en connaissent les effets sur les salaires et sur l’emploi. C’est dans ce contexte que se discute la future stratégie économique de l’Union Européenne, la stratégie “Europe 2020″, qui doit succéder à ce que l’on a baptisé stratégie de Lisbonne. Je me suis cependant réjoui en séance du courage politique de la présidence suédoise sur la situation de Jérusalem-Est. La présidence française, un an auparavant, n’a pas eu la même audace.

LES PRINCIPAUX DEBATS

Crise dans les secteurs agricoles :

Lundi 14 décembre a eu lieu au Parlement européen un débat sur la crise dans les secteurs agricoles. Il est nécessaire de rappeler que le revenu des agriculteurs français a connu une véritable chute en 2009 : moins 32% en moyenne, alors qu’il avait déjà baissé de 20% en 2008. Pour des secteurs comme le lait ou les céréales, la situation est encore plus grave dans la mesure où cette baisse a représenté plus de la moitié de leur revenu.

La Commissaire à l’agriculture, la danoise Mariann Fischer Boel, a expliqué la situation critique des exploitations agricoles par les effets de la crise économique. Je lui ai rétorqué qu’elle était plutôt le résultat des politiques de dérégulation poussées par la Commission, et ai donc demandé une politique de fixation des prix qui puisse garantir un revenu stable pour les agriculteurs. Au-delà, « Tout montre aujourd’hui que l’efficacité sociale, environnementale, sanitaire passe par une agriculture basée sur des exploitations agricoles à taille humaine nombreuses, paysannes et non industrielles ».

Mobilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation : des aides minimes aux salariés ne doivent pas déresponsabiliser les entreprises

Lundi 14 décembre, le Parlement a débattu de la mobilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation au bénéfice des travailleurs européens ayant perdu leur emploi. Ce fonds peut être mobilisé lorsque des grandes entreprises ou secteurs licencient du fait de la mondialisation ou de la crise économique. Il s’ajoute alors aux aides financées par les Etats et aux indemnités versées par l’entreprise qui licencie.

Normalement, car en pratique certaines entreprises comptent sur ces aides pour ne pas satisfaire à leurs obligations vis-à-vis de leurs anciens salariés. Je suis pour le financement de dispositions sociales pour venir en aide aux travailleurs ayant perdu leur emploi. Mais cela ne doit pas pour autant dédouaner les entreprises de leurs obligations sociales et territoriales. Ce n’est pas aux pouvoirs publics de compenser ces manquements intolérables, c’est pourquoi lors du vote de ces aides le mardi 15 décembre j’ai choisi de m’abstenir, marquant ainsi ma défiance, tout en souhaitant évidemment que celles et ceux qui perdent leur emploi puissent être soutenus. L’enjeu doit d’ailleurs être celui d’une sécurité sociale professionnelle.

Les trois cas étudiés ce jour là concernaient 1500 travailleurs de l’usine de Volvo en Suède alors que 4 687 personnes ont perdu leur emploi (sans compter que pour 1000 emplois perdus dans le secteur automobile on en perd encore plus dans d’autres secteurs), 400 licenciés du secteur automobile en Autriche et 435 travailleurs employés précédemment par une grande entreprise de construction aux Pays-Bas (mais il y en avait encore 400 qui ne devaient rien toucher car sous contrat à durée déterminée lors du licenciement).

A quand un débat et des directives pour que chacune et chacun dispose d’une sécurité sociale professionnelle garantissant un travail et une formation tout au long de la vie ?

Microfinancement : la Commission voit dans l’entreprenariat la solution pour dépasser les effets de la crise sociale

Le microfinancement discuté également le lundi 14 décembre, est l’autre planche de salut que tend la Commission aux personnes ayant perdu leur emploi. L’aide à la création d’entreprise via des microcrédits inférieurs à 25 000 euros est une des solutions prétendument « miracle » présentées par la Commission pour résorber le chômage ; au point d’en faire un des projets économiques majeurs qu’elle souhaite mettre en place à l’avenir (voir « Europe 2020 » plus bas). L’entreprenariat, s’il peut être encouragé, n’est pourtant sûrement pas la solution pour résoudre la crise sociale dans laquelle nous sommes plongés.

Il est encore plus inquiétant de constater que le financement des 100 millions d’euros que daigne allouer le Conseil à ces microcrédits provient du programme européen Progress qui finance, lui, des programmes de solidarité et d’inclusion sociale. L’aide à l’entreprenariat serait alors utilisée aux dépends de fonds qui servent également, par exemple, à financer des ONG qui luttent contre l’exclusion sociale et la discrimination. Malgré les réserves de certains députés de gauche qui souhaitaient que ce programme de microcrédit soit financé sur d’autres fonds que Progress, le texte a été adopté par le Parlement ce mardi 15 décembre.

Europe 2020 : une nouvelle politique économique élaborée en l’absence des citoyens européens

Alors que la stratégie de Lisbonne arrive à son terme, son successeur, la stratégie « Europe 2020 », était pour la première fois l’objet d’un débat au Parlement européen ce mardi 15 décembre. La stratégie de Lisbonne visait à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique d’ici 2010 », par le biais de la mise en concurrence via le marché intérieur. Mais cela s’est traduit par une politique de libéralisation et de mise en concurrence des Etats, des systèmes fiscaux et de protection sociale, des entreprises et des travailleurs. L’élaboration de la stratégie « Europe 2020 » est donc l’un des débats fondamentaux de la future politique économique de l’Union européenne.

Or, d’après un document publié fin novembre qui fait encore du marché intérieur « l’instrument central » de la future stratégie, la « consultation » lancée par la Commission ne dure, elle, que jusqu’au 15 janvier. Il s’agit d’une véritable privation de débat alors que de nombreux acteurs sociaux ne sont pas informés de cette consultation. Le Conseil prévoit déjà un sommet en février pour en discuter entre chefs d’Etats et surtout adopter cette stratégie lors du Conseil de mars. Alors que le chômage européen va dépasser les 10% pour 2010, il est nécessaire que les citoyens, les syndicats, les associations et les organisations qui les représentent se fassent entendre.

Conclusion du Conseil sur le processus de paix au Moyen-Orient et la situation à Jérusalem-Est : une position courageuse de la présidence suédoise

Le mardi 15 décembre, le Parlement européen revenait sur le texte courageux adopté par la présidence suédoise de l’UE sur le processus de paix au Moyen-Orient et la situation à Jérusalem-Est. Ce texte, adopté le 8 décembre lors de la réunion du Conseil, réitère que l’UE ne reconnaîtra aucun changement des frontières d’avant 1967 qui n’ait pas fait l’objet d’un accord entre Israéliens et Palestiniens. Dans le même esprit, il affirme que Jérusalem-Est devra être la « future capitale des deux Etats ». Pour la politique actuelle d’Israël, qui cherche à créer une nouvelle réalité sur le terrain par le bais de la colonisation et de l’annexion de fait des territoires palestiniens par le mur de sécurité, c’est un avertissement.

Ce texte fait suite au rapport annuel des « chefs de mission » diplomatique de l’UE à Jérusalem-Est : tous les ans depuis 2005, les ambassadeurs et consuls des pays de l’UE présents à Jérusalem-Est analysent la situation de la ville et de sa population palestinienne. Les conclusions de ce rapport, issu de témoins impartiaux (les ambassadeurs et consuls), sont lourdes : elles dénoncent une « bataille démographique » menée contre la population palestinienne au service d’une « vision stratégique » visant à séparer Jérusalem-Est de la Cisjordanie. Expulsions, absence de services publics (seulement 5 à 10% du budget est consacré à la population palestinienne alors qu’elle représente 35% de la population de la ville), restrictions des déplacements, humiliations… Devant une telle situation, les chefs de mission européens sortent de leur réserve de diplomates et prônent une aide très active des officiels européens auprès des Palestiniens (pour contester des expulsions, soutenir l’établissement de l’autorité palestinienne à Jérusalem-Est, défendre les droits des Palestiniens…).

Des recommandations qui tranchent avec la volonté de la présidence française, un an auparavant (juste avant l’offensive israélienne à Gaza), d’aller plus loin dans la coopération entre l’UE et Israël via un « rehaussement » de l’accord d’association qui les lie. Le Parlement européen qui avait rejeté ce « rehaussement » tant que la situation des Palestiniens ne s’améliorerait pas sur le terrain, s’est donc félicité du document de la présidence suédoise. Pour ma part j’ai appelé à une suspension des programmes entre UE et Israël déjà en place « tant que les dirigeants israéliens ne respectent pas le droit international ». Face à la cruelle réalité de la vie des Palestiniens, tout en manifestant mon accord avec la libération du soldat Guilat Shalit, j’ai prononcé le nom de Salah Hamouri dans l’enceinte du Parlement.



Bilan de la présidence suédoise

Alors que la présidence suédoise touche à sa fin pour laisser place à la présidence espagnole, le Parlement européen est revenu sur son bilan le mercredi 16 décembre. La présidence suédoise de l’Union s’était fixé pour priorités la reprise économique, l’emploi, et le changement climatique. Si la grande majorité des députés se sont félicités de cette présidence, mon amie Eva-Britt Svensson, également membre du groupe de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique, a mis en avant deux domaines dans lesquels cette présidence a péché.

Le premier concerne la transparence dans les négociations internationales entre Union européenne et partenaires extérieurs : seuls les résultats sont connus alors que les documents de négociation restent secrets. Le deuxième est la faible ambition de l’Union européenne sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et « la supercherie » de l’aide européenne aux pays pauvres pour lutter contre les effets du réchauffement climatique. Cette aide reprend les sommes de l’aide au développement déjà promises pour les mettre dans le crédit de la nouvelle offre. Par un énième effet d’annonce, on floue ainsi encore un peu plus des pays qui ne sont aucunement responsables du réchauffement climatique et qui en seront pourtant les premières victimes.

Afghanistan et Pakistan : l’Union européenne s’inquiète vivement de la situation dans ces pays et pourtant les charters continuent

Le mercredi 16 décembre, les députés européens revenaient sur la stratégie Afghane de l’UE adoptée le 17 octobre. Le nouveau plan qui s’inspire de la vision américaine de traiter Afghanistan et Pakistan dans une même stratégie (« l’AFPAK »), donne à l’UE le rôle de se focaliser sur le renforcement des institutions d’Etat (aide à la formation des fonctionnaires et réforme du système électoral), la coopération pour la lutte contre le terrorisme, la gestion des frontières extérieures et l’éducation.
Mais, alors que l’OTAN vient de décider l’envoi de 7000 soldats supplémentaires en Afghanistan et les Etats-Unis 30 000, le plan d’action de l’UE en Afghanistan donne l’impression que l’UE se charge des missions civiles pour l’OTAN. Un sentiment confirmé lorsque la nouvelle représentante de l’UE pour la politique extérieure, Catherine Ashton, a reconnu lors du débat avec les députés avoir parlé de ces questions avec le secrétaire-général de l’OTAN, le général américain chargé de l’Afghanistan, le général Chrysatl et Hilary Clinton.
Malgré les vives inquiétudes soulevées par les députés du Parlement européen, un charter franco-britannique avec à son bord onze Afghans s’est envolé le mardi 15 décembre. Ma collègue Hélène Flautre du groupe des Verts a lancé un appel contre ces expulsions groupées que j’ai signé avec des dizaines de collègues du Parlement européen.

Budget 2010 : un budget qui nous pousse à rester vigilants
Le budget 2010 a été adopté par les députés européens ce jeudi 17 décembre. D’un montant de 123 milliards d’euros de crédits de paiements, il représente un peu plus de 1% du revenu européen.
Ce budget finance notamment les actions de cohésion et de solidarité de l’Union européenne par le biais d’aides aux régions européennes les plus défavorisées. Il finance également les dépenses agricoles qui garantissent l’approvisionnement alimentaire de l’UE en rémunérant (bien que trop faiblement et de manière discontinue, voir débat sur la crise dans les secteurs agricoles plus haut) le travail des agriculteurs par un système de prix remis en cause par la Commission.
Ce sont pourtant ces deux politiques qui incarnent la solidarité européenne qui sont principalement visées par la révision du budget de l’UE à l’horizon 2013. Dans un document de préparation de la Commission, mais non publié officiellement, la Commission souhaite justement réduire les budgets des dépenses de solidarité et ceux pour l’agriculture au prétexte de financer de nouvelles priorités (recherche, formation, compétitivité). Devant le tollé des réactions suscitées par les présidents de régions européennes et les petits et moyens agriculteurs, le texte a été retiré.

Mais il faut rester vigilant : le financement du projet de relance européen de 2,4 milliards d’euros, qui figurait dans le budget 2010, s’est principalement fait sur les marges des dépenses agricoles, et de nouvelles crises comme celle du secteur laitier sont à prévoir tant que la Commission continuera sa politique libérale vis à vis de l’Agriculture.

Liberté de pensée: « la liberté de pensée est à la base de toutes les autres libertés »
Venu représenter l’organisation Mémorial pour la remise du prix Sakharov pour la liberté de pensée, Sergueï Kovalev a rappelé l’importance de cette liberté : «la liberté de pensée est à la base de toutes les autres libertés ». Ce prix, qui récompense la défense des droits de l’Homme et de la liberté, a été officiellement remis ce mercredi 16 décembre à cette organisation créée justement par Andreï Sakharov pour sortir de l’oubli les crimes passés et actuels envers la liberté d’opinion. Lors de la remise de ce prix, Sergueï Kovalev a cité Andreï Sakharov qui disait il y a vingt ans au sujet de la Russie « mon pays a besoin d’être soutenu et mis sous pression ».
Cette phrase est malheureusement d’actualité pour d’autres pays. Vis-à-vis de pays comme la Tunisie ou le Maroc, le Parlement européen a montré un tout autre visage : en refusant d’inscrire à l’ordre du jour un débat sur la situation des droits de l’Homme et de la démocratie en Tunisie qui aurait permis d’alerter sur le cas de Taoufik Ben Brik ; ou en refusant de débattre de la situation de Aminatou Haidar pour une résolution d’urgence ce jeudi 17 décembre. En guise de protestation, l’ensemble de mon groupe de la Gauche Unitaire Européenne / Gauche Verte Nordique, s’était rassemblé en dehors de l’hémicycle avec des photos de cette défenseur de droits de l’Homme sahraouis.
Heureusement celle-ci à pu rejoindre son pays le lendemain. Mais la défense des droits de l’Homme au Parlement européen continue : j’ai cosigné une question écrite de mon collègue portugais du groupe de la GUE/NGL Rui Tavares sur de nouvelles allégations de prisons et de vols secrets sur le territoire européen pour le compte de la CIA et ai donné ce jeudi 17 décembre une interview à une télévision kurde pour protester contre l’interdiction du parti kurde, le DTP, en Turquie.

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NB: Le Conseil est l’institution européenne représentant les gouvernements des Etats membres de l’Union européenne. Sur chaque question il réunit les Ministres concernés (exemple: Conseil des ministres de l’intérieur, des ministres de l’agriculture, de l’économie etc.) qui prennent une décision à la majorité ou l’unanimité selon l’importance du sujet. Les Réunions du Conseil européen réunissent, elles, les chefs d’Etat européens qui donnent des orientations politiques, mises en place par la Commission puis votées par le Parlement européen.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Intéressant à lire.

Votre article permet de faire la connaissance avec l'Europe:
qui pilote la, politique, belge.

Continuez . Formation et transparence seront des atouts , surtout pour les plus jeunes qui se désintéressent trop du collectif.


N'hésitez pas: dans un glossaire à donner des définitions de termes
peu courants, ni à citer des noms de responsables de notre aventure politique.